Désadapter pour penser : une clé de lecture psychopédagogique

Et si certaines difficultés scolaires étaient en réalité des signes d’une pensée en mouvement ? Plutôt que de chercher à normaliser à tout prix, la psychopédagogue Alicia Fernández nous invite à regarder autrement les « écarts » : comme des ouvertures possibles, des formes de création subjective. C’est le sens de son concept central de « désadaptation créative ».


Un symptôme scolaire n’est pas toujours un échec

Dans la plupart des contextes éducatifs, l’adaptation est valorisée : l’élève adapté est celui qui apprend vite, sans résistance, selon les attentes. Mais que se passe-t-il quand un enfant refuse, résiste, ou « ralentit » le processus ? Alicia Fernández, à partir de son expérience clinique en Amérique latine, propose une lecture radicalement différente : cet écart pourrait bien être une tentative du sujet de penser par lui-même.

Une approche où apprendre engage tout le sujet

Dans sa conception de la psychopédagogie, apprendre n’est pas un acte neutre : c’est un mouvement où se croisent le corps, le langage, les émotions, l’histoire familiale, et les conflits inconscients. L’enfant ne se contente pas d’intégrer un savoir, il se positionne face à lui. Ce positionnement peut se faire par le biais d’un symptôme (erreur répétée, blocage, refus), qui devient alors une voix symbolique à entendre, non à corriger immédiatement. C’est dans cette optique que Fernández introduit la notion de désadaptation créative (desadaptación creadora).

Créer à partir du conflit

La désadaptation créative désigne le moment où le sujet, au lieu de se conformer, invente une autre voie pour se relier au savoir. Il ne s’agit pas d’un rejet pur, mais d’un détour inventif, à partir de ses propres conflits ou limites. Cela peut se manifester par un style d’écriture inattendu, une manière singulière d’expliquer, ou une résistance tenace à certaines formes d’enseignement.

Fernández formule cela ainsi :

« Pensar no es repetir lo que me enseñaron, sino poder hacer algo nuevo con lo que me enseñaron. » (1994, p. 64)

Penser, c’est donc créer à partir de ce qu’on a reçu, en le transformant selon une logique interne. Et parfois, ce mouvement prend la forme d’une « désadaptation » visible.

Quel accompagnement possible ?

Cette lecture invite les professionnels de l’éducation, les psychopédagogues et les parents à un changement de regard : ne pas se focaliser sur la norme ou la réparation, mais créer un espace d’écoute et d’élaboration. Parfois, il suffit de reconnaître l’intelligence à l’œuvre dans une résistance, pour qu’un enfant puisse s’autoriser à penser autrement.

Pour aller plus loin

Cette manière de concevoir l’apprentissage se retrouve dans les pratiques de psychopédagogie clinique, de soutien scolaire subjectivant, ou d’accompagnement par le jeu et la parole. Elle offre une alternative à l’approche purement adaptative ou normative, et ouvre à une réflexion plus large sur ce que signifie vraiment apprendre.

Vous travaillez avec des enfants en difficulté d’apprentissage et souhaitez en savoir plus sur l’approche psychopédagogique d’orientation psychanalytique ? Contactez-nous pour échanger ou participer à nos ateliers de formation.

Référence : Fernández, A. (1994). La inteligencia atrapada. La escolarización de la subjetividad. Buenos Aires : Editorial Paidós.


Une réponse à “Désadapter pour penser : une clé de lecture psychopédagogique”

  1. Avatar de elithea

    Excellente approche, savez-vous si l’on peut trouver des ouvrages d’Alicia Fernandez en français?

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